Après avoir été secouée lors d’une soirée TV, par les propos et les images des pédophiles rencontrés dans l’enquête des Infiltrés*, intitulée « Pédophilie : Les Prédateurs » ; et diffusée par France 2 le mardi 6 avril 2010, j’ai commencé à tisser les fils de la question.
La soirée a été très riche en information avec un remarquable travail d’investigation et des intervenants très pertinents à l’heure du débat. Mais quelque chose restait floue, très floue de mon point de vue.
Tout le monde a tourné sur le problème :
« Que faire pour protéger nos enfants des prédateurs sexuels ? »
On a parlé de la responsabilité parentale :
« Il ne faut jamais laisser seuls ses enfants sur Internet. Il faut mettre des blocages, il faut les prévenir, il faut les surveiller… ! »
C’est vrai…
Pourtant…
Je pense maintenant à quelque chose dite par le médecin en psychiatrie aussi invité. Il a dit que certains enfants victimes, savaient qu’il fallait parler aux parents du harcèlement sexuel suivi sur Internet, mais qu’ils n’avaient pas osé, qu’ils ne savent pas quoi dire…
C’est de là qu’ont commencé à prendre forme mes propres questionnements :
- Pourquoi une personne devient pédophile ?
- Qu’est-ce que la sexualité ?
- Comment peut-on parler de sexualité à nos enfants si nous-mêmes ne savons pas ce que c’est ?
- Comment attendre que nos enfants se sentent à l’aise pour nous poser toutes les questions, surtout celles liées à la sexualité ?
Voilà le problème :
Savoir ce qu’est le sexe ; ce que sont la sexualité et les rapports sexuels. Puisque le problème n’est pas qu’il y ait le réseau Internet à l’heure actuelle, le problème est que nos sociétés sont le berceau de prédateurs sexuels !
Dans l’antiquité, les égyptiens avaient éloigné du groupe, un petit nombre d’enfants à peine nés, pour pouvoir établir d’après eux, quelle était leur langue originelle. Tous ces enfants sont décédés, tous se sont laissés mourir. C’était un neurologue qui avait parlé du sujet et il disait que, même si nous avons, en tant qu’êtres vivants, un patrimoine génétique, aucun aspect biologique ne peut se développer ni prendre forme si ce n’est qu’au travers de la culture. Or, comment la culture est-elle transmise ? Par l’éducation, bien évidement.
C'est-à-dire, bien que nous sommes tous génétiquement et biologiquement capables et disposés autant aux langues qu’à la vie sexuelle, rien ne prend forme sans les sens donnés par les sociétés : par la culture qui nous forme et par les éducateurs qui nous entourent. Ce n’est pas si difficile de comprendre, à partir du moment où je commence à expliquer ce processus depuis le début.
Freud a été le pionner à voir que la sexualité humaine existe bien avant la puberté : qu’il existe une sexualité enfantine. La sexualité, comme la faim, sont des faits biologiques qui, dans la recherche de satisfaction, donnent forme à ce que nous appelons « goûts ».
Notre éducation, nos cultures, sont remplies d’images parce qu’elles jouent le rôle de signifiants, c'est-à-dire qu'elles donnent du sens à ce que nous ressentons. Il existe aussi l’odorat, l’ouïe, le toucher, mais le travail des images dans la signification est beaucoup plus vaste, parce que silencieuses, elles peuvent se glisser partout et réveiller en nous, les autres sensations auxquelles elles sont liées dans nos souvenirs.
Le film « Au delà du désir » du réalisateur Lance Young, produit en 1997, traite l’histoire d’une femme, dont l’inceste souffert pendant son enfance, l’empêche de jouir sexuellement. Pour guérir de cette souffrance elle va se faire traiter. Le thérapeute choisi, apprend ses patients à s’aimer eux-mêmes, à se laisser séduire par leurs propres corps, par l’image que leurs propres corps reflètent. Il croit que c’est la seule façon de parvenir à la jouissance personnelle et, par conséquence, la seule façon de donner de la jouissance à autrui, dans l’acte amoureux.
La sexualité est remplie d’images. Les images, les formes nous excitent, nous séduisent, nous donnent envie. Mais ces images, sont-elles forcement grotesques, vulgaires, brutales ?
Lorsque la faim survient, chacun d’entre nous cherche à pallier ce besoin à sa manière, et cette manière est directement liée à nos habitudes personnelles. Lorsque les sensations sexuelles commencent à apparaître, l’organisme cherche à les satisfaire, à les comprendre, à leur trouver signification. Comme tout dans le développement humain, cet apprentissage va se faire petit à petit, notamment par imitation. Mais, que pourrions-nous imiter au milieu d’un foyer où toute question sexuelle est bannie ? Nous chercherions probablement à palier nos inquiétudes ailleurs… et pourquoi pas, aussi via Internet ! Internet n’est qu’un autre moyen d’y arriver. Ou alors, quelqu’un désire-t-il nier la très longue existence de la pornographie… ?
La pornographie propose des images qui traitent les questions sexuelles de manière brutale ; elles sont choquantes et par conséquence, leur impact est persistant dans la mémoire. Dans l’apprentissage de la sexualité, nous avons tous un jour ou l’autre, étés choqués par des scènes vulgaires, grotesques, brutales ; par des images obscènes qui pourtant, ont réussi à nous exciter. Si ce genre d’images a réussi à réveiller en nous l’appétit sexuel, c’est tout simplement parce que, pendant la découverte et l’apprentissage de la sexualité, nous avons étés confrontés à de telles images. D’autant plus qu’il est vraiment difficile de s’en dédouaner : la vulgarité et la brutalité des images obscènes sont partout, toujours clairement exposées dans les vitrines, dans les journaux, sur les murs, dans la publicité...
Avoir eu une éducation sexuelle à l’intérieur d’un foyer aux esprits ouverts, signifie avoir été en contact à un autre type d’images de la sexualité ; cela signifie avoir été en contact avec d’autres paroles, avec d’autres concepts à propos des questions sexuelles. Et dans ce cas, bien que confrontés socialement aux images grotesques toujours mise en avant dans la Pub, il est beaucoup plus probable que nous arrivions à comprendre la question sexuelle autrement.
Comment parler de sexe à nos enfants, si nous mêmes, parents, ne le concevons que comme quelque chose de brutal, vulgaire et obscène ? L’apprentissage de la sexualité est long et complexe, mais si nous n’avons eu comme école, que les images brutales de la pornographie et son discours brut, nous aurons du mal à expliquer et ressentir le sexe d’une autre façon.
Et les pédophiles dans tout ça ?
Il n’est pas vain de rappeler que la plupart des pédophiles ont été victimes de pédophilie. La plupart, sinon tous, ont été victimes d’une façon ou d’une autre, d’abus sexuel et de brutalité. Rien dans la nature humaine ne prend forme si ce n’est grâce à la culture acquise à travers d'un type d’éducation.
Plus nous réprimerons nos désirs sexuels, plus nous risquerons de perdre le contrôle de nos actes. La sexualité ne doit pas être réprimée mais canalisée, guidée dans la recherche de satisfaction réelle d’un besoin naturel. Une telle « satisfaction » par la force, par la brutalité ou dans la criminalité, n’est pas la véritable satisfaction d’un besoin naturel mais une réponse de substitution, fruit de la confusion installée lors d’une première agression sexuelle. C’est pour cette raison que tous les mineurs abusés ne deviennent pas prédateurs ; la brutalité vécue transformera l’être dans la mesure de sa vulnérabilité. À majeure ouverture d’esprit, plus grandes seront les possibilités de s’en sortir, même en ayant vécu une expérience si malheureuse et dramatique. Encore une fois : à nous de changer ce qui est établi !
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* Première investigation de cette nouvelle série des « Infiltrés » : La pédophilie. « Selon un récent rapport des Nations Unies sur le sujet, il y aurait dans le monde plus de «750 000 prédateurs sexuels connectés en permanence sur la toile». Pendant près d'une année, une équipe a enquêté sur ces «prédateurs sexuels» qui se servent d'Internet pour abuser d'enfants. C'est ce que les policiers appellent le phénomène du «grooming» : tout acte visant à manipuler un enfant via internet à des fins sexuelles. Phénomène inquiétant… Selon l'association « Innocence en Danger », un enfant sur trois en France a déjà été approché par un inconnu sur internet. » Réalisateur : Philippe Lallemant. Présentateur : David Pujadas. France 2.